Lorsque les « ABCD de l’égalité » ont été lancés comme projet expérimental l’année dernière dans 10 académies, les ministres concernés (à l’époque Vincent Peillon à l’éducation nationale et Najat Vallaud Belkacem au droit des femmes) avaient promis qu’une évaluation aurait lieu.
C’est fait, et le rapport est en ligne, consultable par tous sur le site du ministère de l’éducation nationale.
Voici quelques points soulignés dans le rapport.
Le « genre » : une notion floue et source de polémiques
« La notion de ‘genre’ effraie ; l’égalité des filles et des garçons est au contraire bien acceptée. Pour un IA-DSDEN, la ‘théorie du genre’ – puisque la voix populaire reprend l’expression – est ressentie comme ‘une provocation, une agression‘ et entraîne la crainte de manipulation de l’identité sexuelle des enfants’ » (p. 17 du rapport)
Au passage, notons que cette ambiguïté est entretenue par certains provocateurs.
Je pense aux deux députés qui avaient demandé de modifier l’article 31 – en avril 2013 – du projet de loi sur la refondation de l’école en remplaçant le terme « égalité fille-garçon » par « égalité de genre »
Relevons également que le SNUipp-Fsu, dans son document « lutter contre l’homophobie », présente un chapitre intitulé : « déconstruire la complémentarité des sexes« … rien de moins.
Egalité : lever les ambiguïtés
Pour une directrice « l’expression égalité filles – garçons ne résonne pas de la même manière chez les
parents et chez les enseignants. L’égalité pour les parents signifie le fait de ne pas reconnaître les différences alors que pour les professeurs, c’est l’égalité de traitement et le fait que les élèves fassent des choix qui ne les enferment pas dans un rôle sexué » (p. 17 du rapport)
Donc, parler d’égalité des droits, d’égalité de traitement. (p. 25 du rapport)
Bref, là aussi, sortir du flou, clarifier les concepts en parlant d’égalité des droits, égalité de traitement, etc.
Expérimentation, déconstruction,
Le terme « expérimentation » est suspect : « ça se fait sur les animaux, par sur les enfants », relève un parent.
quand au terme « déconstruire » et à l’expression « arracher au déterminisme familial », il sont « perçus comme menaçants, en ce qu’ils traduiraient une volonté d’attaquer les apports de l’éducation familiale« .
Rien de surprenant. Nous avons été très nombreux à être choqués par ces propos de M. Peillon (qui voulait « s’appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités », ainsi que par ceux de Mme Taubira qui elle, voulait « arracher les enfants aux déterminismes de la famille et de la religion » et parlait de sa loi comme d’une « réforme de civilisation« .
Comment ne pas soupçonner le gouvernement de vouloir éduquer malgré les parents ?
Non aux albums militants
Est abordée également la question des albums pour les enfants, les enseignants s’accordant sur la « nécessaire prudence à l’égard des titres d’albums qui pourraient heurter la sensibilité des élèves et de leurs parents, et sur la nécessité de choisir des livres dont ni les titres, ni les contenus ne prêtent à polémique. Il s’agit de veiller à ce que les textes et les images ne soit pas « sexistes » et non de privilégier des ouvrages militants ».
Là aussi, mention spéciale au SNUipp-Fsu, principal syndicat des enseignants du primaire public, qui recommande un certain nombre d’ouvrages que l’on peut juger « militants », dont le fameux « papa porte une robe », « Jean a deux mamans », etc.
Une place pour les hommes dans l’égalité ?
Il est également relevé que la place des hommes est à revoir dans le projet : « il a semblé utile de rappeler que la culture de l’égalité se décline au féminin et au masculin. […] l’aspect ‘masculin’ des ABCD est peu pris en compte ou peu conscientisé » (p. 22 du rapport)
Ailleurs, il est remarqué que sur le site de l’ABCD, seules des femmes intervenaient, consolidant l’idée d’une action militante.
Une école et des parents blessés
Le constat est fait d’un manque manifeste d’information et de dialogue avec les familles, ce qui a entraîné de fortes tensions avec les enseignants (pensons également aux parents qui ont appris qu’on emmenait leur enfant de CE1 ou CE2 voir Tomboy !)
Combien de parents ont perdu confiance dans l’école ? Combien d’enseignants ont été meurtris par la suspicion ? Combien d’enfants se sont sentis mal à l’aise, sentant les doutes et les tensions entre les adultes.
Tout cela parce que nos ministres veulent faire notre bien malgré nous.
Parce que nous ne serions pas suffisamment ouverts ? instruits ? tolérants ? intelligents ?
et qu’il faudrait éduquer nos enfants malgré nous ?
Naturellement, le rapport invite à poursuivre le travail entrepris pour aller vers une meilleure considération des filles et des garçons dans leur éducation.
C’est ce que nous n’avons cessé de dire : oui à une éducation au respect des différences, non à l’idéologie qui nie l’altérité !
Plus que jamais, nous demeurons vigilants et attentifs.
Jérôme Brunet
Président de l’Appel des professionnels de l’enfance